Trois étoiles montantes et engagées du rap UK au Mercury Prize 2019

Le 19 sep­tem­bre dernier se tenait à Lon­dres la 28e édi­tion du Mer­cury Prize, réu­nion qui récom­pense chaque année le meilleur album bri­tan­nique ou irlandais. Une céré­monie par­ti­c­ulière­ment engagée et sur­voltée où douze groupes et artistes se sont pro­duits sur scène, abor­dant le sex­isme, le racisme, l’im­mi­gra­tion, le Brex­it ou encore la divi­sion crois­sante des dif­férentes class­es sociales. 

Par­mi eux se trou­vaient trois représen­tants du rap d’outre-Manche : Lit­tle Simz, slowthai et Dave. C’est d’ailleurs ce dernier et son album Psy­chodra­ma qu’a choisi de récom­penser le jury, com­posé entre autres du rappeur Stor­mzy et de la chanteuse Jor­ja Smith. Retour sur ces futures icônes du rap UK.

Dave, une thérapie pour com­bat­tre le racisme institutionnalisé

Afficher l’image source

Né en 1998 et élevé à Streatham, dans le Sud de Lon­dres, Dave, qui n’a évidem­ment aucun lien avec son homonyme néer­landais inter­prète de Van­i­na, est le grand gag­nant de cette 28e édition.

Cela fait déjà trois ans que David Oro­bosa Omoregie fait par­ler de lui. En 2016, il sort son sin­gle Thi­a­go Sil­va, suivi quelques mois plus tard d’un pre­mier EP. Rapi­de­ment remar­qué par Drake ou encore par le com­pos­i­teur Hans Zim­mer, qui déclare « Je suis un fan de lui parce qu’il peut faire ce que je ne peux pas faire », le rappeur sort en 2017 son sec­ond EP, Game Over, sur lequel on retrou­ve le sin­gle No Words, véri­ta­ble car­ton sur Itunes.

Afficher l’image source
Pochette de Psy­chodra­ma

Psy­chodra­ma, sor­ti en mars dernier et récom­pen­sé au Mer­cury Prize, a été pen­sé par le rappeur comme un album con­ceptuel, inspiré de sa vie et con­stru­it comme une sorte de séance de psy­chodrame en thérapie avec un psy, d’où le nom du pro­jet. Tout au long de ce témoignage per­son­nel et sou­vent mélan­col­ique, le Bri­tan­nique explore son iden­tité noire, dénonce le racisme insti­tu­tion­nal­isé (« The black­er the berry the sweet­er the juice. A kid dies, the black­er the killer, the sweet­er the news », soit « Plus la baie est noire, plus le jus est sucré. Un enfant meurt, plus le tueur est noir, plus la nou­velle est sucrée », chante-t-il sur son titre Black) et évoque l’é­tat de la poli­tique en Angleterre. Il abor­de égale­ment le thème de la dépres­sion, par­lant dès le pre­mier morceau, Psy­cho, de sa souf­france : « Je crois que je rede­viens fou. C’est comme si j’é­tais heureux une sec­onde, puis de nou­veau triste ».

Son tra­vail mon­tre une vraie réflex­ion sur les mots et sur la manière de com­menter l’ac­tu­al­ité de son pays en gar­dant une musique abor­d­able pour le grand pub­lic, aidé dans cet aspect par des pro­duc­teurs réputés comme Fras­er T Smith (Adele, Stor­mzy, Sam Smith) ou Nana Rogues (Drake).

Dave inter­prète Psy­cho au Mer­cury Prize 2019

Lit­tle Simz, un flow qui dénonce l’iné­gal­ité des sex­es dans le rap

Afficher l’image source

Avec son troisième album, Grey Area, sor­ti en mars et nav­iguant entre jazz, R&B et grime, Sim­bi Ajika­wo aka Lit­tle Simz s’est une fois encore faite remar­quer par ses rich­es influ­ences, ses pris­es de risque – elle qual­i­fie elle-même sa musique de rap expéri­men­tal – et sa tech­nique impec­ca­ble. Une fois encore, car la rappeuse de 25 ans est réputée pour sa pro­duc­tiv­ité, avec déjà pas moins de 7 EPs, 4 mix­tapes et 3 albums en 9 ans, tous pub­liés sous son pro­pre label, AGE: 101 Music.

Afficher l’image source
Pochette de Grey Area

Pour ce pro­jet nom­iné au Mer­cury Prize, Lit­tle Simz expose avec force sa vision du monde de la musique en tant que femme et plus par­ti­c­ulière­ment de celui du rap. Dans ce témoignage aux mul­ti­ples facettes, Lit­tle Simz n’hésite pas, sur Offence, à se com­par­er à un « Picas­so avec un sty­lo », un « Jay‑Z des mau­vais jours » ou un « Shake­speare des encore plus mau­vais jours ». Elle résume sa sit­u­a­tion, plus que légitime étant don­né la vir­tu­osité de son flow, en rap­pelant l’in­jus­tice de l’iné­gal­ité sex­uelle, dans le rap et dans la société en général : « Ils n’ac­cepteront jamais que je suis la meilleure, pour le sim­ple fait que j’ai des ovaires ». Sur scène au Mer­cury Prize, la Lon­doni­enne a présen­té son morceau très jazzy inti­t­ulé Self­ish.

Lit­tle Simz inter­prète Self­ish au Mer­cury Prize

slowthai, une guil­lo­tine pour Boris Johnson

Afficher l’image source

Il était le favori des book­mak­ers pour ce Mer­cury Prize. Et si Tyron Kay­mone Framp­ton n’a finale­ment pas rem­porté le trophé, ce phénomène punk et enragé du rap anglais a sans aucun doute mar­qué les esprits avec sa per­for­mance sur scène de son titre Door­man.

Nom­iné pour son pre­mier album, Noth­ing Great about Britain, sor­ti en mai dernier, le rappeur de Northamp­ton ne cesse de dress­er un por­trait acide de la sit­u­a­tion socié­tale et poli­tique actuelle chez nos voisins insu­laires, notam­ment vis-à-vis du Brex­it. Une nou­velle fois, slowthai a mon­tré son mécon­tente­ment sur scène, arbo­rant une fausse tête décapitée de Boris John­son, Pre­mier min­istre bri­tan­nique, et cri­ant « fuck Boris, fuck every­thing » en met­tant le bor­del dans l’assemblée.

Afficher l’image source
Pochette de Noth­ing Great about Britain

Suite à la sor­tie de son album, l’artiste de 24 ans a présen­té sa volon­té de lancer une con­ver­sa­tion et de don­ner une voix « aux gens des petites com­mu­nautés qui ont été oubliées ». « On est à un moment où tout stagne et per­son­ne ne par­le pour le peu­ple. J’en ai juste eu marre et voulu dire la vérité », a t‑il racon­té auprès de la BBC.

slowthai inter­prète Door­man au Mer­cury Prize 2019

Vous pou­vez retrou­ver ici les albums de Dave, Lit­tle Simz et slowthai. Vous pou­vez égale­ment retrou­ver mon arti­cle sur Psy­cho, la col­lab­o­ra­tion de slowthai avec Den­zel Cur­ry (et non pas le titre évo­qué plus haut de Dave).

Auteur: Aymeric Dantreuille

Rédacteur et responsable du pôle Anglophone. Lillois d'adoption, adepte de la traduction approximative de punchlines et suiveur assidu (en scred) de la chaîne Colors. Je me consacre principalement au rap anglophone, de la Beast Coast new-yorkaise au Londres de Little Simz en passant par tout le reste. Mes playlists sont pleines d'artistes plus ou moins connus et prêts à être (ré)écoutés.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

18 − 7 =

Droit d’auteur © In Da Klub Privacy Policy | Audioman par Catch Themes