Les rappeurs et le cycle de l’amour

L’amour. Si com­pliqué et inde­scriptible, il fait l’objet de nom­breux, très nom­breux sons d’amour des rappeurs. Et pour­tant, rare sont les morceaux où l’amour est présen­té comme une bonne chose du côté des artistes. Ils décrivent tous des rela­tions sans amour, ou alors juste rem­plies d’intérêts. Bien sou­vent, devenir un peu con­nu pour un rappeur com­plique absol­u­ment tout:  il se retrou­ve coincé dans un cycle com­plète­ment tox­ique, enchaî­nant rela­tions intéressées et déceptions. 

Le problème du succès

Réus­sir dans le rap n’est par­fois pas syn­onyme que de bon­heur pour les rappeurs. Ils devi­en­nent con­nus et beau­coup s’intéressent à eux, bien plus qu’avant où ils étaient pour la plu­part dans la mis­ère et surtout dans l’anonymat.

« Sur scène, elles fouil­lent dans mes poches, me laisse des 06 plus quand j’étais moche plus quand j’étais dans la crise »

Pnl — NOS, Luz de Luna

Cette cita­tion résume par­faite­ment tout. Avant, NOS n’était pas con­nu per­son­ne ne lui par­lait. Main­tenant que c’est NOS le rappeur pop­u­laire, toutes les filles vien­nent vers lui, de par son statut par­ti­c­uli­er. C’est en par­tie ce qui crée les rela­tions intéressées des per­son­nes qui essayent d’abuser de la richesse des artistes, de prof­iter d’eux.

L’autre prob­lème du suc­cès, c’est quand le rappeur est en cou­ple. Il passe une grande par­tie de sa vie en con­cert ou en stu­dio, et peut s’attirer la jalousie de sa bien-aimée. D’autant plus quand de nom­breuses filles devi­en­nent les groupies de l’artiste, créant des rela­tions basées sur sa pop­u­lar­ité. Ce type de com­porte­ment peut amen­er à la destruc­tion d’une rela­tion qui était à la base saine sans suc­cès. C’est ce que racon­te le morceau « Galatée », de Nek­feu.

« Comme j’é­tais absent six mois, tu me fuis
Vu que dans mes con­certs, y a moitié de filles »

Nek­feu — Galatée

En somme, le suc­cès sem­ble desservir les rappeurs, en cou­ple ou céli­bataire. Les rela­tions seront éphémères, ou peu­vent à tout moment vol­er en éclats à cause de la jalousie et de l’absence des artistes.

Takotsubo

Le syn­drome du Takot­subo en japon­ais, c’est le syn­drome du cœur brisé, qui appa­rait en général après une grande source de stress. Autrement dit après une rup­ture, un grand choc émo­tion­nel, il est tout à fait pos­si­ble de con­stater cette mal­adie. On peut con­sid­ér­er cette mal­adie réelle chez cer­tains rappeurs, qui se retrou­vent inca­pables d’aimer ou de pass­er à autre chose après une rup­ture dif­fi­cile. Ou bien par­fois, ils font souf­frir une fille inutile­ment car ils sont devenus tout sim­ple­ment inca­pables d’aimer.

Dinos notam­ment sur le morceau « Helsin­ki », prend le point de vue de la fille qui vient de le quit­ter, pour racon­ter une rup­ture douloureuse. Il prend com­plète­ment à con­tre­pied l’image du rappeur qui se lamente, en prenant l’image de la femme en colère. Helsin­ki étant l’une des villes les plus froides au monde, on peut con­sid­ér­er l’image de cette ville comme une métaphore de ce que ressent la jeune femme.

Clip offi­ciel d’Helsin­ki, sur la chaine YouTube de Dinos

L’absence de sen­ti­ments posi­tifs peut donc régulière­ment arriv­er, ce sen­ti­ment de las­si­tude con­stante. C’est notam­ment très mar­qué chez Laylow quand on com­prend que ce dernier utilise Trin­i­ty pour stim­uler des émo­tions, dont de l’amour. Cela laisse donc penser que sans amour, il n’est plus capa­ble de ressen­tir quoi que ce soit, comme s’il était devenu vide. Il est comme arrivé à un point de non-retour avec lui-même.

Relativiser pour s’en sortir

Alors, les rappeurs sem­blent être tous pris au piège par ce cycle mau­vais de l’amour. Mais com­ment peu­vent ils s’en sortir ?

Tout espoir n’est peut-être pas mort. Cer­tains arrivent à se détach­er de la souf­france provo­quée par l’amour. Cha­cun sa recette. Pour Nek­feu, c’est d’aller de l’avant en ne ressor­tant que le bon d’une rela­tion passée, au lieu de s’en ren­dre triste et d’être sim­ple­ment nos­tal­gique. Ce proces­sus est notam­ment pos­si­ble grâce à ses voy­ages effec­tués (Japon, Grèce et États-Unis). Toutes ses réflex­ions tran­scrites dans l’al­bum Les Étoiles Vagabon­des l’amènent à rel­a­tivis­er sur ce que lui ressent. Il déclare alors dans « Chan­son D’Amour »: « T’es ma pre­mière chan­son d’amour qui se ter­mine bien », une vic­toire pour le rappeur parisien chez qui ce genre de morceaux se finis­saient plus ou moins mal.

« Quand ca va pas je me plains, l’amour c’est rien, ça va ça vient »

Nek­feu ‑Óλά Καλά

Chez PNL, ils ont fui le suc­cès, et toutes les mau­vais­es rela­tions qui en fai­saient par­tie. Lorsqu’ils pen­saient avoir per­du toute forme d’amour, c’est pour leurs anciens bâti­ments, les anciens sou­venirs de la mis­ère, celle qu’ils ont tou­jours voulu quit­ter, qu’ils ont ressen­ti une forme d’amour. Bien sûr, ce n’est pas la même chose qu’un amour envers une femme, mais ce sen­ti­ment est revenu d’une manière inat­ten­due. Ils arrivent, eux aus­si, à rel­a­tivis­er sans haine sur leur vécu, ce qui donne le morceau « La Mis­ère Est Si Belle », éloge à leur passé. Finale­ment, c’est ce qu’on cherche le plus à quit­ter qui finit tou­jours par revenir, pour nous guérir.

Auteur: Anais Lafosse

Rédactrice pour In Da Klub. Nouvelle arrivée. Le rap est venu tard dans ma vie, mais il m’a aidé à surmonter beaucoup de choses. J’aime analyser des textes et mettre en valeur leurs sens cachés. Parce que le rap c’est bien plus qu’un tas des rimes. « Si tout ça se résume à raconter ma haine, priez pour qu’un jour je change de thème » Ademo - PNL.

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