[Dossier] — Qu’est-ce qu’un classique du rap français ?

Boo­ba avec Ouest side, Iam et l’Ecole du micro d’argent, « Les princes de la ville » de 113, ou encore Ness­beal, Alpha 5.20 ou Rohff, tous ont apportés des clas­siques au rap français. Aujourd’hui sur les réseaux soci­aux, le terme « clas­sique » est util­isé dès qu’un pro­jet est très appré­cié par les fans et les débats en devi­en­nent inces­sants. Mais grâce à quels critères peut-on affirmer qu’un album est clas­sique et pourquoi est-il si dif­fi­cile en 2020 de pro­duire des classiques ?

« PNL et Damso ne sor­tent que des clas­siques », « Boo­ba n’a aucun clas­sique » : les réseaux soci­aux, Twit­ter le pre­mier, sont rem­plis d’affirmations de ce genre. Et si autant de débats autour de ce sujet ont lieu, c’est en par­tie parce que la notion de « clas­sique » reste très vague. Si l’on s’en tient à une approche lit­térale, un clas­sique est une œuvre qui fait office de référence dans son domaine.
Mais affirmer qu’un album est un clas­sique ne se résume pas à cocher cer­taines cas­es qui lui attribueraient, ou non, ce titre tant dis­cuté. Cha­cun juge sub­jec­tive­ment un album, et les pro­duc­tions artis­tiques font rarement l’unanimité. Il n’y a pas de sci­ence exacte, les goûts et les couleurs ne se dis­cu­tent pas, et cela n’est pas l’a­panage du rap français, mais c’est une vérité pro­pre à tous les types d’art.

Crédit pho­to : spotify.com

Cepen­dant, un ensem­ble de critères per­me­t­tent de con­sid­ér­er un album comme s’approchant de l’arché­type du clas­sique. L’influence, la longévité dans le temps, l’avant-gardisme, mais aus­si le suc­cès d’es­time et le suc­cès com­mer­cial – car­ac­téris­tique très dis­cutée cepen­dant. Tous ces élé­ments devraient logique­ment fig­ur­er dans un album dit « clas­sique ». Seul prob­lème : il est dif­fi­cile de quan­ti­fi­er des élé­ments tels que l’influence et la longévité dans le temps.

Par exem­ple, « Or Noir » de Kaaris a été en quelque sorte un précurseur dans le rap en France. L’al­bum, sou­vent con­sid­éré comme l’un des plus impor­tants de la décen­nie 2010–2020, a con­tribué à pop­u­laris­er sur la scène française un nou­veau style de rap : la trap. Nom­bre de rappeurs actuels se dis­ent influ­encés et inspirés par Or Noir. Pour­tant, quand on s’intéresse aux ventes du pro­jet, le suc­cès est en fait plus con­trasté que l’on pour­rait le penser. Même si cela est en par­tie dû au développe­ment du stream­ing à l’époque, « Or Noir » affiche aujour­d’hui env­i­ron 130 000 ventes, con­tre par exem­ple plus de 150 000 ventes pour son album « Dozo », qui avait été cri­tiqué à sa sor­tie, taxé de « zumba ».

Crédit pho­to : genius.com

Il est donc dif­fi­cile de réu­nir tous les critères pour un clas­sique, et le point du suc­cès com­mer­cial reste un indi­ca­teur à la fois changeant dans le temps au rythme des mod­i­fi­ca­tions de la compt­abil­i­sa­tion des streams par la SNEP (Syn­di­cat nation­al de l’édi­tion phono­graphique), et sou­vent cri­tiqué pour ne pas ren­dre compte de la réal­ité de la qual­ité du tra­vail artis­tique. Tous les acteurs du milieu du rap s’accordent aujourd’hui à dire que « Or Noir » est un très grand clas­sique. Il fait par­tie des quelques albums qui font l’u­na­nim­ité dans la dernière décen­nie écoulée.

 

Ces dernières années, en effet, de moins en moins de pro­jets font l’ob­jet de telles cri­tiques presque unanime­ment pos­i­tives, l’ère du rap en France ayant fon­da­men­tale­ment changé. Comme expliqué précédem­ment, le stream­ing et le mode de cal­cul des ventes ont sen­si­ble­ment été mod­i­fiés. Aujourd’hui, les dif­férentes cer­ti­fi­ca­tions pleu­vent et s’obtiennent beau­coup plus facile­ment que durant les années 2000, en attes­tent les 36 dis­ques d’or décernés sur l’année 2019.

 

Le rap s’est aus­si large­ment diver­si­fié. De nom­breux styles sont apparus dans le paysage audio­vi­suel français. Les années 2010 ont vu l’avènement du pop-rap, de l’afro-trap, du cloud-rap ou plus récem­ment de la drill, dont tout le monde par­le en ce moment (pour en savoir plus, nous vous con­seil­lons l’ex­cel­lente vidéo du Règle­ment). Ces nou­veautés enrichissent la scène et les audi­teurs sont de plus en plus nom­breux et dif­férents, ren­dant la val­i­da­tion à l’unanimité d’un pro­jet plus compliquée.

Enfin, le temps sem­ble rester un élé­ment cap­i­tal pour qual­i­fi­er, à tort ou à rai­son, un pro­jet de « clas­sique ». Con­stater l’in­flu­ence sur les audi­teurs et sur le milieu de pro­jets ne peut se faire que sur le temps long, et par con­séquent des années après la sor­tie d’un pro­jet. Ain­si, des A7 de SCH, Ipseité de Damso, Dans la légende de PNL ou encore Feu de Nek­feu se classeront peut-être comme des clas­siques dans quelques années. Pour l’heure, arrê­tons de proclamer des « clas­siques » à leur sor­tie, et prof­i­tons de la richesse du rap français.

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