[Le choix de la rédac] — Luidji : Palace Mafia bonjour

Plus d’un an après la sor­tie de son pre­mier album solo Tristesse Busi­ness : Sai­son 1, Luid­ji refait sur­face avec « Palace Mafia ». Un morceau bilan après une année riche qui lui a per­mis d’acquérir une nou­velle notoriété.

Peut-être l’a‑t-il écrit entre deux dates de sa tournée. Comme pour pren­dre du recul et se ren­dre compte du chemin par­cou­ru. En à peine un an, Luid­ji s’est finale­ment inséré dans « l’classement des rappeurs à suiv­re », grâce à un pre­mier album cohérent et per­son­nel. « Palace Mafia » est donc l’occasion de dress­er un pre­mier bilan.

« Tout est tellement différent »

Mais qu’est-ce qui a changé chez le jeune rappeur parisien qui inter­pré­tait « Mécanique des flu­ides » il y a cinq ans de cela ? Beau­coup de choses. Lui-même ne se recon­naît plus.

« J’reviens d’tellement loin qu’j’ai l’impression d’parler d’un autre mec »

Tout d’abord, Luid­ji a su se con­stru­ire une nou­velle fan base. Des gens qui com­pren­nent sa musique. Avec cela, la célébrité qui en découle et qui l’envoie au sep­tième ciel.

« Mec, j’suis telle­ment dif­férent et j’le ressens
Hey, quand j’mets les pieds dans la pièce
Mes cou­plets ressem­blent à des prières
Mes con­certs à des messes »

Qui dit nou­veaux fans, dit nou­velle richesse. Loin d’être riche mais assez pour ne plus être fauché — et pou­voir louer « le Série 7 ». Cette nou­velle vie, Luid­ji la tourne en déri­sion de manière sub­tile, rap­pelant au pas­sage qu’il a encore du chemin à faire avant de savoir manier un bolide allemand.

« J’ai du pub­lic en virage, du pub­lic en présidentielle »

« J’ai loué le Série 7, j’ai mis quinze min­utes à trou­ver com­ment démar­rer la caisse »

Cette pro­duc­tion de Ryan Kof­fi est son ter­rain de jeu favori. Très organique. Lais­sant de la place pour s’exprimer. Une façon de débiter qui lui est pro­pre, lanci­nante, comme s’il nous par­lait directe­ment, et qui façonne encore plus son style. Comme dans chaque morceau de son album, les mots son­nent vrais et surtout sor­tent du cœur.

Tou­jours en famille (Source : youtube.com)

Amitié

« L’impression d’être pris­on­nier d’un cycle ». Ses his­toires tumultueuses avec la gente fémi­nine lui font pren­dre con­science de l’importance de l’amitié. Ce sin­gle célèbre l’amour qu’il a pour son équipe et les per­son­nes qui sont à ses côtés depuis le début. Des per­son­nes qui res­teront quoi qu’il arrive. Une pen­sée ren­for­cée par un court extrait d’une inter­view de Jacques Brel qui inter­vient au milieu du morceau.

« Mais la fidél­ité de cer­tains hommes vis-à-vis d’autres hommes : ça, ça m’émeut aux larmes »

Un titre aux allures tri­om­phantes, qui met un terme à des années dif­fi­ciles et qui ouvre d’autres per­spec­tives avec son label Foufoune Palace, qui ne cesse de le ren­dre fier.

« Ressers-moi un verre,
Cham­pagne pour l’équipe, j’en suis telle­ment fier
Pour la tournée guichet fer­mé, pour le diplôme de ma mère »

Avec cet entourage, Luid­ji a vécu une longue péri­ode de doute, pas­sant par plusieurs stades émo­tion­nels. « Palace Mafia » fait alors lien avec l’album. Per­me­t­tant de mieux com­pren­dre les inspi­ra­tions de Luid­ji : « Tout est telle­ment dif­férent j’reviens tout droit de l’océan ».

Tristesse Business

En effet, dans le morceau « Erzulie », qui fait office d’interlude sur Tristesse Busi­ness, Luid­ji sem­ble être au bord de la noy­ade. Se bat­tant avec les flots. Comme Agoué, dieu de la mer dans la mytholo­gie haï­ti­enne, qui a don­né son nom à la deux­ième piste du pro­jet. Comme Luid­ji, ce dieu est coincé entre deux femmes. Son his­toire avec cha­cune d’elle s’enchaîne dans l’album. L’esthétique du pro­jet est bâtie autour de ces influ­ences haï­ti­ennes, venant de ses par­ents. Une propo­si­tion inédite et rafraîchissante.

Cov­er de Tristesse Busi­ness : sai­son 1 (Crédit pho­to : Fifou)

Deux adjec­tifs qui qual­i­fient égale­ment très bien la propo­si­tion musi­cale. Assurée en majorité par Ryan Kof­fi, elle est un rouage indis­pens­able du pro­jet. Douce. Chaleureuse. Envoutante. Les instru­men­taux, sou­vent très rich­es, pren­nent une belle place, sans nuire aux per­for­mances de Luid­ji. Tou­jours en symbiose.

Les pianos de « Femme flic » et de « Veuve Clic­quot », entre autres, don­nent l’impression d’être dans une suite royale, verre de cham­pagne à la main. Les gui­tares (« Le remède ») et autres syn­thés (« Tu le mérites »), sou­vent accom­pa­g­nés d’une basse faisant groover le tout, nous ramè­nent au soleil. Les voix ser­vent aus­si d’instruments : elles sont trans­for­mées, pitchées et font par­tie inté­grante de la pro­duc­tion (« Plus haut »). Les cuiv­res appa­rais­sent égale­ment sur un morceau comme « Gisèle – Part 4 « , don­nant un côté soul, d’influence 90’s, remis au goût du jour. Car oui, Tristesse Busi­ness : sai­son 1 est actuel, notam­ment dans les kits de per­cus­sions util­isés (« Chris­t­ian Dior » ; « 3 ans »), tout en appor­tant cette touche d’originalité qui cor­re­spond à son auteur.

Cet habil­lage musi­cal lumineux cache des sujets sen­si­bles. Par­fois très durs, comme sur « Sys­tème », révélant les douleurs et les blessures pro­fondes d’une rupture.

« J’voulais pas faire le lâche plus que j’l’é­tais déjà, j’l’ai jetée en enfer
Mes excus­es comme un petit panse­ment sur sa frac­ture ouverte
Je l’ai perdue »

On ren­tre alors très vite dans son intim­ité et l’on s’identifie bien plus facile­ment. Une vraie maîtrise du sto­ry telling qui nous plonge dans des his­toires plus som­bres que ne le laisse imag­in­er l’instrumentale. C’est là où réside l’intérêt de ce disque : l’approche musi­cale orig­i­nale et ensoleil­lée con­traste avec des pro­pos plus tristes. Il sort des sen­tiers déjà emprun­tés par les rappeurs. Il va chercher plus loin qu’un sim­ple morceau mélan­col­ique piano-voix. L’objectif est de tou­jours cap­tiv­er l’oreille de l’auditeur, quel que soit le thème abordé.

Voilà pourquoi Tristesse Busi­ness : sai­son 1 n’est pas qu’un sim­ple album de rup­ture tris­tounet. La con­struc­tion du disque le rend à la fois intéres­sant et ambitieux. Il parvient à faire ressen­tir des émo­tions, en util­isant des mots com­préhen­si­bles par tous, tout en créant un univers com­plexe, faisant référence à la cul­ture pro­pre d’une com­mu­nauté. Un an plus tard, l’album est tou­jours là, les vagues de Nazaré cares­sant nos oreilles.

Auteur: Simon Jarnier

Rédacteur et responsable de la rubrique Spotlight. "J'ai un cerveau musclé dans un corps squelettique" (si tu as cette référence tu peux continuer ta lecture) et je suis totalement présent depuis le début du projet In Da Klub. Fan de rap depuis une bonne dizaine d'années, je cultive ma passion tous les jours afin de vous offrir les meilleurs articles/playlists et vidéos possibles. Le rap francophone dans toute sa splendeur est ma spécialité mais je ne me ferme pas à Kendrick, Travis ou autre Gunna. Sur ce, foncez sur le site découvrir toute sa richesse!

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