Le rap était-il vraiment mieux avant ?

C’est autour de cette ques­tion, qui divise sou­vent les fans, que nous don­nait ren­dez-vous ce 23 octo­bre l’as­so­ci­a­tion cul­turelle urbaine de Sci­ence Po Lille, Brook’Lille. Pour sa pre­mière con­férence de l’an­née, l’as­so­ci­a­tion ne fait pas les choses à moitié puisqu’é­taient invités deux références dans le jour­nal­isme rap : Geno Mae­stro (Vice, Le Mouv ») et Yérim Sar (Le Mouv »).

Source: page Face­book de Brook’Lille

Le rap français, qui a main­tenant une quar­an­taine d’an­nées, n’a cessé d’évoluer, de se diver­si­fi­er et d’in­nover. Selon les sondages du Syn­di­cat Nation­al de l’Édition Phono­graphique (SNEP), le rap français est de loin le genre le plus écouté : au pre­mier semes­tre 2019, le top 5 des artistes les plus streamés étaient tous issus du rap français. Une des prin­ci­pales forces de notre style de musique préférée est son incroy­able diver­sité, comme le rap­pel­lent Yérim et Geno tout le long de la con­férence. « Il y a une énorme pro­duc­tiv­ité. Tout le monde peut s’y retrou­ver mais il faut faire le tri », pré­cise Geno. 

Les puristes con­sid­èrent que c’est cette diver­sité qui rend, en quelque sorte, le rap étranger à lui-même. Aujour­d’hui, le style le plus mis en valeur est le rap « dansant et gen­til » comme le définit Géno. Cer­tains iront même jusqu’à dire qu’il se con­fond avec la pop, comme en témoignent les nom­i­na­tions pour les vic­toires de la musique 2018 qui avaient qual­i­fiés les albums Flip de Lomepal, La Vraie Vie de Big Flo et Oli et La Fête est Finie d’Orel­san. Yérim utilise d’ailleurs cet exem­ple pour illus­tr­er une nou­velle fois la diver­sité de la scène rap. En riant, Geno iro­nise en dis­ant que « c’est bien pour les Blancs », et rajoute que cette cou­ver­ture médi­a­tique per­met de ras­sur­er une audi­ence peu habituée au rap et, pourquoi pas, d’amen­er de nou­veaux audi­teurs à s’y intéresser. 

Les deux jour­nal­istes revi­en­nent égale­ment sur un pro­pos de Kery James ayant récem­ment affir­mé que « le rap main­tient les jeunes dans une cer­taine médi­ocrité. Aujour­d’hui on est passé de la con­stata­tion et la dénon­ci­a­tion à la glo­ri­fi­ca­tion de l’il­licite ». Yérim dément ce fait en évo­quant Doc Gyné­co, un « ancien » du rap qui pour­tant n’a jamais vrai­ment fait d’al­bums engagés. Pour lui, les rappeurs décrivent une cer­taine réal­ité mais ne poussent pas à l’acte. Geno mar­que égale­ment un point en expli­quant que les audi­teurs n’ont pas tou­jours envie d’é­couter des textes sérieux et poli­tiques et qu’il existe de nom­breuses manières de dénon­cer. Il fait égale­ment un par­al­lèle éton­nant entre NTM et Koba La D en expli­quant que, finale­ment, les pro­pos que l’on entend n’ont pas telle­ment changé et que, comme le dira Niska, « il faut vivre avec son temps ».

Vivre avec son temps dans le rap français, ça veut dire quoi ? 

Source: The Fader

Pour Yérim, le rap français s’in­spire essen­tielle­ment des sonorités améri­caines : les États-Unis ont tou­jours entre six mois et un an d’a­vance sur le rap français. Le par­cours de Boo­ba reste l’un des exem­ples les plus par­lants. A ses débuts, notam­ment avec Lunatic, son univers musi­cal était surtout influ­encé par Noto­ri­ous B.I.G et Mobb Deep. Aujour­d’hui, ses sonorités sont rad­i­cale­ment dif­férentes. Il a su s’adapter aux nou­velles attentes de son pub­lic et ça fonctionne.

Vivre avec son temps c’est égale­ment utilis­er les out­ils de partage que sont les réseaux soci­aux. C’est avec Face­book, par exem­ple, que Moha La Squale débute sur la scène rap. Les réseaux soci­aux sont égale­ment le meilleur moyen pour capter un jeune pub­lic. Les rappeurs actuels n’ont plus besoin des médias tra­di­tion­nels, ils font « leur relais seuls », pré­cise Geno. C’est d’ailleurs pour cela que la rap n’a plus besoin de se jus­ti­fi­er d’ex­is­ter. Les deux jour­nal­istes pré­cisent toute­fois que les médias tra­di­tion­nels ont encore du mal à pren­dre au sérieux les rappeurs, les audi­teurs ou les jour­nal­istes de rap. « Si tu vas chez Ruquier sans une belle his­toire à racon­ter, c’est mort », con­state Yérim.

Enfin, les jour­nal­istes sont inter­rogés sur la ques­tion de la place des femmes dans le rap français actuel. Alors qu’aux Etats-Unis, les rappeuses sont bien présentes, com­ment expli­quer cette absence sur la scène française ? Yérim déclare qu’il n’y a pas autant de tal­ent en France. La société française a un « côté très pater­nal­iste » et la rappeuse sera plutôt vue comme « une petite sœur ». Les Améri­caines n’hési­tent pas à jouer dans la provo­ca­tion et le vul­gaire tan­dis qu’en France cela ne passe pas, la preuve avec Liza Mon­et, plus sou­vent insultée qu’acclamée. 

Si vous habitez sur Lille, restez branché car Brook’Lille a prévu d’or­gan­is­er d’autres con­férences tout le long de l’an­née. Prochain invité prévu : Fif de Boos­ka P. 

Pour les suiv­re c’est ici: 

Face­book: Brook’Lille Twit­ter: BKLille­Sea­son Insta­gram: brooklille­sea­son

Auteur: Cécile Vienney

Rédactrice pour In Da Klub. Cécile, 20 ans, fan de rap depuis toute petite et particulièrement de rap français. Être rédactrice pour In Da Klub me permet de faire partager ce genre musical, qui est l'une de mes passions mais aussi de découvrir de nouveaux artistes et d'essayer de déconstruire ce mythe du rap comme musique attisant la haine.

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