Depuis quelques mois, le rap québécois prend de plus en plus d’ampleur sur le réseau social chinois. L’occasion de découvrir cette scène à fort potentiel, dont on parle pourtant si peu en France.
Qui l’eut cru ? Il aura fallu attendre TikTok pour que le rap underground québécois arrive jusqu’aux oreilles de la France. C’est bien connu, le réseau social chinois est plus que jamais la vitrine idéale pour promouvoir de la musique en 2021. Dix doigts ne nous suffiraient pas pour compter le nombre de morceaux qui ont explosé grâce à une « trend » ou une chorégraphie TikTok virale. Et le rappeur québécois Jeune Loup n’a pas échappé à la règle.
Depuis l’automne 2020, impossible de passer à côté de son fameux « On est à Montréal pas aux favelas » qui hante nos heures passées à scroller de vidéos en vidéos sur notre téléphone. Et pour cause, cet extrait, issu du morceau « Sensuelle », a été utilisé plus de 56 000 fois sur la plateforme chinoise. Mais il serait bien réducteur de s’en tenir au succès de Jeune Loup pour résumer la scène rap québécoise, c’est pourquoi je vous propose un voyage en première classe direction Québec à la découverte de 3 rappeurs originaires de la Belle Province du Canada.
Jeune Loup
Tout d’abord, rendons à César ce qui appartient à César et parlons de Jeune Loup. Arrivé dans le rap game québécois en 2019 avec le morceau « Back sur le BS », le rappeur de 21 ans donne d’entrée de jeu les bases de son esthétique musicale : un flow déphasé, un beat trap et des paroles bourrées de drogues douces, dignes d’une ordonnance de pharmacie. Son rapide succès va le propulser sur scène où il fera la première partie du groupe Dead Obies. Une action qui le révélera à son futur acolyte, le rappeur et producteur Mike Shabb, qui produira par la suite les deux premiers albums du Jeune Loup, dont le fameux morceau « Sensuelle », sorti en 2019.
Mais 2020 freine le Jeune Loup dans sa course au succès et il fait un arrêt par la case prison pour possession d’armes à feu. Acquitté depuis, le rappeur reprend de plus belle et marque son retour à l’automne 2020, avec son morceau « 1st Day Out ». « Je voulais que les gens voient le titre de la chanson et s’imaginent une chanson de sortie de prison typique. Mais au lieu d’arriver raw, j’arrive super sweet. C’est une chanson qui fait du bien », dévoile-t-il au média Paroles & Musique.
Son personnage complètement dingue, n’est pas sans nous rappeler le flow si particulier du Roi Heenok. Pourtant, Jeune Loup est loin de plaire à tout le rap game québécois. Certains puristes s’étonnent, les traplords l’observent intrigués tandis que les fans du Jeune Loup s’impatientent devant l’arrivée en 2021 de son troisième album Slime contre le monde.
Rowjay
Au Canada, certaines pépites du rap brillent tellement qu’elles se laissent apercevoir jusqu’en France. C’est le cas de Rowjay, Jason de son vrai nom. Le « jeune finesseur » de 23 ans originaire de Montréal, compte bien se faire entendre au-delà du fleuve Saint-Laurent. Dès la sortie de son album Birth of Rowjayzus, en 2014, sa fanbase française voit le jour.
Aujourd’hui Rowjay est plébiscité par la scène rap francophone : Myth Syzer l’a un jour qualifié de « génie », Krisy, Di-Meh et Slimka saluent son travail et Hamza s’est amusé à remixer son morceau « Stripclub ». Sur Spotify, ses chansons ont été écoutées des centaines de milliers de fois. Son clip « Saint-Laurent », en collaboration avec Mister V, a été visionné plus de 4 millions de fois sur YouTube, et a même été sélectionné pour faire partie de la bande son du jeu vidéo NBA 2K20.
Si Rowjay a fait son entrée dans le rap québécois à 16 ans avec des textes plutôt parodiques, c’est désormais avec un flow sérieux inspiré de Rick Ross ou de Pusha T qu’il s’impose dans le paysage rap. En 2020, il dévoile sa mixtape Free Cfd2 dans laquelle on retrouve un feat avec Jeune Loup. Puis il clôture l’année 2020 avec le morceau « Kung Fu Margiela 2 ». Ces deux projets très forts musicalement donnent encore plus de visibilité à sa musique en France. Il ne nous reste alors plus qu’à attendre que l’habitué du Xe arrondissement de Paris puisse venir les défendre sur scène.
FouKi
Qualifié « d’étoile montante » par de nombreux médias canadiens, FouKi, de son vrai nom Léo Fougères, fait ses premiers pas sur la scène rap québécoise en 2016 avec son mini-album Plato Hess publié, en duo avec son producteur QuietMike, sur Bandcamp. Mais c’est en 2017 que sa musique remplie de bonne humeur prend de l’ampleur, notamment grâce au morceau « Gayé » — tiré de l’album Plato Zay -, dont le clip a été visionné plus de 4 millions de fois sur YouTube.
Côté style, FouKi navigue entre hip-hop, reggae et trap. Sa formule énergique est teintée de culture rap européenne, québécoise et américaine. Il n’hésite pas à apporter des sonorités intéressantes en employant le français, l’anglais ou le créole dans ses textes. Dans son album ZayZay, sorti en 2019, FouKi collabore avec des artistes tels que ISHA, Lord Esperanza ou Koriass. Mais une question nous interpelle : que veut dire « Zay », ce mot présent dans les titres de ses albums ? « Être « zay », c’est être bien, bien avec soi-même, avec les autres, être zen, relaxé… Ça représente ma vie de tous les jours », explique FouKi à TV5 Monde.
Pour marquer la fin de l’année 2020 en beauté, le rappeur montréalais dévoilait un album surprise intitulé Grignotines de luxe, réalisé aux côtés de son acolyte QuietMike. « Grignotines », « Crêpes sirop d’érable », « Ananas Mango », « Brioches à la cannelle », chaque morceau fait référence à de la nourriture. Peut-être est-ce un clin d’œil à son ancienne carrière dans la cuisine ? En effet, avant de pouvoir vivre de la musique, FouKi était pizzaïolo à Montréal. Son pétrissage de pâte l’emmènera aux World Pizza Games de Las Vegas où il finira douzième au rang mondial. On lui souhaite alors aisément le même succès pour sa carrière de rappeur en 2021.