« Urgences Musicales », le freestyle poly-artistes made in confinement

Enfer­més et mis sous clef, les artistes sem­blent des­tinés à nous con­coc­ter du lourd. Un thème, une bande de rappeurs et de pro­duc­teurs aguer­ris, et la musique dépasse les bar­rages pour réu­nir Lille, Stras­bourg, Paris, Sète ou encore Wuhan.

S’il faut trou­ver du posi­tif au con­fine­ment, c’est assuré­ment du côté de l’art que ça se passe. Un artiste enfer­mé, c’est la garantie d’une pro­duc­tion accélérée de pein­tures, de pièces de théâtre, de pas de danse, et pour ce qui nous con­cerne, de sons. Et sur ce dernier point, Swift Guad est catégorique :

« Hom­mage aux sol­dats abat­tus, car y en a plein qui sont morts
J’de­viens un cor­don bleu et j’ai d’jà grat­té vingt-huit ceaux-mor »

L’inspi est là, et le rappeur du 93 n’est pas le seul à en prof­iter, loin de là. Sor­ti sur la chaîne YouTube de Dooz Kawa, le son « Urgences Musi­cales » regroupe les paroliers Dah Conec­tah, Demi Por­tion, Davod­ka, et donc Swift Guad et Dooz Kawa, sur une prod de 8 min­utes 27 regroupant qua­tre producteurs !

On retrou­ve dans l’ordre Green­finch, Sali­go, Nano et Degi­heu­gi, qui repren­nent cha­cun à leur sauce une mélodie mélan­col­ique mêlant, selon le site Genius, des sam­ples emprun­tés à Ken­ny Arkana, Fly­nt et Bus­ta Flex.

Tout part d’une pub­li­ca­tion de Dooz K.O exp­ri­mant un ennui partagé par une par­tie de son pub­lic, et plus large­ment par une par­tie des 4 mil­liards d’individus con­finés aux qua­tre coins du monde :

Et c’est tout naturelle­ment que les pro­tag­o­nistes cités plus haut ont répon­du présent pour par­ticiper à « Urgences Musi­cales », grand freestyle mul­ti-inter­prètes dont « une par­tie des béné­fices sera rever­sée à une asso­ci­a­tion recon­nue d’utilité publique ». Un beau geste, mais aus­si de beaux textes, dans lesquels les artistes rap­pent leur haine pour la classe dirigeante, leur sou­tien aux soignants, et surtout une vision funeste d’un monde dans lequel le Covid-19 ne sem­ble être qu’un mal­heur de plus.

« Macron garde ta morale à toi car y a pas eu d’mort sous ton toit
Quand j’vois le salaire des soignants, faudrait p’t-être faire un moratoire »

Dooz Kawa

Plus que de la rage, c’est même le dégoût que l’on perçoit entre les lignes et les mélodies:

« J’accepte pas cette logique d’san­té rentable
Ils prendraient du cash pour jouer de l’orgue à ton enterrement
C’est plus la peine de s’la jouer fausse­ment sociaux
Sen­ti­men­tale, votre hypocrisie m’dé­goûte tellement »

Dah Conec­tah

 

Et les dirigeants ne sont pas les seuls à en pren­dre pour leur grade. Sont aus­si mis au banc des accusés les « égoïstes », ceux qui « se momi­fient dans leurs rouleaux de PQ ». Et pour tous ces vices, Swift Guad et les autres esti­ment que « Dame Nature se venge ». Injus­tice sociale, répres­sion, réchauf­fe­ment cli­ma­tique ou bêtise humaine ont fait débor­der le vase, et cette épidémie appa­raît alors comme une « belle sentence ».

Mais tout n’est pas per­du. Dans ce cloaque qui sem­ble sans fin, la lumière existe, incar­née par celles et ceux qui lut­tent, inlass­able­ment, « au front »:

« Il ne faut pas que toutes ces pertes ne fassent que par­tie d’un listing
Car mourir pour sauver des vies ça mérite toute notre estime
On sait bien qu’ils font de leur mieux, dans des con­di­tions déplorables, la rage aux yeux
Quand l’cri ne trou­ve pas d’oreille, le regard va vers les cieux
Mais on n’con­naît que très bien le sort de ceux qui s’pren­nent pour Dieu »

Davod­ka

Une recon­nais­sance affichée par tous les pro­tag­o­nistes, mais peu d’e­spoir quant à un futur qui s’an­nonce som­bre. Pour l’heure, le même Davod­ka nous incite à « retrou­ver le bon­heur dans des choses simples ».

Et cette sim­plic­ité trou­ve son écho dans un clip où les rappeurs font face à la caméra, tout comme les pro­duc­teurs. Retour aux clips for­mat pod­cast pour un rap qui se retrou­ve cloi­son­né, donc. Et si l’ensem­ble du rap jeu tire pareil prof­it de cette som­bre péri­ode, les prochains mois s’an­non­cent radieux pour nos oreilles, à défaut de l’être pour le reste.

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